ciens. Leur jugement s´appuie sur des connaissances profondes en his-
toire de l´art et sur une sensibilité visuelle aigue. Celles-ci sont bien loin
des connaissances et de la compréhension du spectateur occasionnel.
L´art est, en substance, ce que l´on tient pour de l´art. L´art est de plus
soumis à l´acceptation de la majorité des spectateurs et à l´esprit du
siècle. En ce sens, l´art, c´est aussi ce qui attire les foules dans un musée.
Qui s´intéresse aujourd´hui encore au « Pouce » de César ?
Mais il existe un bon filtre pour savoir ce qui, pour moi, est de l´art. C´est
le filtre du temps. Dans ma vie, j´ai observé plusieurs milliers de photos.
Quand, loin de mes livres, je veux me rappeler certaines d´entre elles,
une cinquantaine seulement me viennent à l´esprit. Et quelles sont-elles
? C´est une expérience intéressante pour soi–même de voir quelles sont
les photos qui sont restées dans notre mémoire visuelle. Je dirais que «
l´art, ce sont les images que, dans une large mesure, on n´oublie pas ».
Avec cette formule simple, on peut différencier assez facilement la photo
d´art de la photo de vacances. Il suffit de regarder un bon nombre de
photos, et les photos dont on se souvient encore 15 jours après, c´est de
l´art. L´art, c´est ce qui fait naître des émotions durables ou des réflexi-
ons fondamentales
NL - Si l´on regarde ta série photo Heimat der Götter ( Patrie des Dieux )
et les photos sculpture de la collection PhotoVaria, il semble que, au
sens le plus large, c´est la dimension sculpturale qui te fascine. Dans
quelle mesure faut-il voir dans certaines parties de ton œuvre une quête
de la sculpture, ou bien, autrement dit : Ton intérêt ne porte-t-il pas
moins sur la sculpture que plutôt sur les contenus qu´elle peut trans-
porter?
WL
- Le genre de sculpture qui m´intéresse le plus, est l´architecture figu-
rative du sentiment noble, qui n´a d´autre but que de donner forme à
l´esprit qu´on lui a insufflé et ainsi d´agir sur nous de façon durable. Des
témoins de ce genre de sculpture sont par exemple les oeuvres de Rodin,
Despiau, et quelques autres artistes comme Bourdelle et Lehmbruck et
parmi les « modernes », Moore, Chillida et Caro. Cependant je ne crois
pas que les idées que la sculpture peut transporter, soient fondamentale-
ment différentes de celles d´une toile ou d´un dessin. Elle l´est sur un
point cependant: au contraire du dessin, de la peinture, ou de la photo-
graphie, la sculpture exige de l´espace, demande souvent à être placée
bien en vue, ceci lui confère une présence plus grande que d´autres
formes d´expression artistique.
Dans la mesure où la sculpture m´apporte un maximum de présence tri-
dimensionnelle, elle empêche de faire entrer le courant léger de ses con-
tenus artistiques dans le monde de mes idées. Elle me montre ainsi des
limites qui ont principalement leur origine dans l´absence occasionnelle
de couleur et de mouvement. C´est pourquoi j´essaie avec les moyens de
la photographie, de transmettre au spectateur l´illusion de mobilité.
J´obtiens cet effet par un mouvement de l´appareil photo au moment de
la prise de vue. Cela donne un « flou de mouvement » comme si j´avais
déplacé l´objet lui-même. Quelquefois, j´utilise aussi la possibilité d´unir
dans une composition une sculpture, son environnement et la lumière
incidente de telle façon que cette composition laisse percevoir un
message nouveau. (5)
La photographie et la sculpture sont bizarrement des arts parents. L´une
est forme, l´autre est reproduction. La reproduction reste toujours un
5 - Win Labuda « Photo sculpture 2 d´après «
La tempête » de Auguste Rodin
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