10 - Yuko et Win Labuda
11 -Win Labuda « Calla-
nish Stone Circle II
(Cromlech de Callanish
II) »
dans une certaine mesure à fixer l´homme à l´instant crucial dans le
déroulement de l´action. Quelqu´un a dit une fois que Cartier-Bresson
avait la mentalité d´un tireur à l´arc. Je pense que c´est une bonne
description du phénomène Cartier-Bresson. Ma conception de la photo-
graphie de l´homme, c´est que je ne veux, pour une action, ni la faire
passer au premier plan, ni l´esquiver, mais je veux photographier
l´homme dans «la dignité de l´instant», c.a.d. dans une pose naturelle
tout en étant composée comme un tableau. Et en même temps, je veux
absolument éviter de fixer sur l´image comme tout hasard, toute forme
irréfléchie ou momentanée qui deviendrait alors forme durable. C´est
pourquoi j´ai une grande aversion envers ce l´on connaît sous le nom de
« close-to-life-photography ».
Ernst Haas, le génial photographe autrichien, m´a appris comment on
pouvait travailler en grands cycles. Son livre, die Schöpfung ( La création)
est le deuxième livre de photos que j´ai possédé, et je l´ai toujours con-
servé. Haas était en quelque sorte un virtuose de la photographie couleur
prise avec un appareil à petit format. Il savait tout faire et il le faisait un
peu mieux que d´autres. C´est une bonne base pour de grandes réalisati-
ons – surtout en photographie.
Une affinité particulière me lie depuis les années 70 à l´œuvre de Herbert
List. Je suis fasciné avant tout par le courant émotionnel qui passe dans
ses photos. Ceci est particulièrement sensible dans Plaster masks I, San-
torin 1937 ou encore dans Felice Caseratis Studio, Turin 1949. La fluidité
présente dans ses photos, pour moi non évidente, a une origine pro-
fondément ancrée dans son monde intérieur, et aboutit toujours dans
l´espace transcendant. Ses personnages et ses objets baignent toujours
dans un inexplicable flux d´existence, lequel n´est pas, au sens propre, «
la parole de Dieu », comme dans la série La Création de Ernst Haas, mais
ils ont cependant une expression éloquente, oui, inoubliable.
Sur le plan de l´éthique, Eugène Smith et Sebiastiao Salgado m´ont pro-
fondément impressionné et le font de nos jours encore, la série de Smith
Minamata et le destin personnel qui l´a amené à entreprendre ce travail,
est, pour moi, aujourd´hui encore, un modèle d´héroïsme pour tout jour-
naliste qui s´honore. Saldago nous a fait connaître dans ses livres, la
misère des vagues d´émigrants de notre époque et dans ce contexte, a
réalisé des photos, les plus belles qui soient empreintes d´humanité fon-
damentale.
Pendant trente ans, j´ai travaillé intensivement à la photographie de pay-
sages et pendant toutes ces années, mon maître incontesté a été Paul
Caponigro, le grand photographe américain. Il était capable à partir
d´un paysage au premier abord absolument inintéressant de le photogra-
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